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Le traumatisme : quand notre esprit ne peut intégrer la souffrance



 

Nous parlons de traumatisme ou de syndrome de stress post-traumatique quand, confrontés à une situation trop douloureuse, notre cerveau et notre corps se trouvent en incapacité d’intégrer la trop grande décharge de stress. Le trauma peut se former que nous soyons directement victimes de l’évènement, que nous en soyons témoins directement (par exemple témoins d’un accident, d’un acte violent), ou indirectement (on apprend la nouvelle d’un décès, d’un attentat). Il se constitue face à un événement unique ou des actes qui se répètent (par exemple dans le cas de violences conjugales ou de violences sur des enfants, on parlera alors de « traumatisme complexe »).

 

Toute souffrance ou période de stress ne constituent pas nécessairement un trauma.

 

Tout évènement dramatique que nous traversons ne créera pas obligatoirement un trauma. Nous avons en effet tous en nous une capacité d’adaptation et de résistance au stress que l’on appelle la résilience. Cette propension à plus ou moins bien réagir à des situations de menace ou de stress dépend de nombreux facteurs : notre patrimoine génétique, notre sexe (les études montrent que les femmes sont plus susceptibles de développer un stress post traumatique), notre culture, nos antécédents psychologiques, la présence ou non de traumas précoces (qui augmentent drastiquement les risques de retraumatisations ultérieures), etc.


Toute souffrance, même sur de longues périodes, n’est pas nécessairement le signe d’un trauma. Nous pouvons être infiniment triste après le décès d’une personne chère ou après une séparation, être traversé par de nombreuses émotions dans cette période de deuil et de rupture mais, généralement, la souffrance avec le temps finit par diminuer et se transformer.

On peut également vivre un évènement potentiellement traumatisant, comme une catastrophe naturelle, un cambriolage violent ou une attaque physique, sans en avoir des séquelles traumatiques. La personne peut être traversée à ce moment là par un stress très important, qui pourra même perdurer plusieurs jours, avec des manifestations diverses (état de sidération ou de détresse). Cependant le temps, la parole et le soutien finiront par faire leur œuvre naturellement et le choc se métabolise et s’intègre dans l’organisme.


La montée de stress dans ces cas là a, d’une certaine manière, joué son rôle, c’est-à-dire de nous mettre en position d’affronter l’évènement ou le danger. Le stress est une réponse naturelle qui nous permet de nous adapter, de préparer notre corps à combattre, à fuir, se protéger ou se figer (comme le font les animaux qui se sentent menacés). Une fois la situation résolue et la menace passée, le stress diminue et nous parvenons à mettre ces éléments derrière nous.


Une personne qui souffre d’un traumatisme vivra elle comme si le danger ne s’était jamais éloigné.

 

Le traumatisme ne s’intègre pas dans le temps

Quand la décharge de stress est ingérable, et que notre corps et notre cerveau se sentent submergés, incapables d’intégrer ce qui se passe, les symptômes de stress vont perdurer. On parle de stress post-traumatique généralement quand ces symptômes persistent au-delà d’un mois.

En réalité, ils peuvent durer des années, voire toute une vie si on ne cherche pas de l’aide, car le temps justement, en cas de traumatisme, n’y fait rien. L’évènement dans notre inconscient n’est jamais remis au passé comme nous sommes capables de le faire avec d’autres situations. C’est un présent permanent. C’est une menace latente, qui s’exprime plus ou moins fortement selon les personnes et les situations. Comme une alarme qui sonne en continue dans les tréfonds de l’être.


On peut certes être fonctionnels dans un tout un tas de domaines, avoir une belle carrière, une relation soudée, une vie sociale épanouissante …, mais certaines fragilités émergent ça et là, des crises d’angoisse incompréhensibles, des maux de ventre quand vous devez prendre la parole en public, des cauchemars récurrents …, ou bien apparaissent de nulle part des troubles sexuels, des douleurs chroniques, une fatigue inexplicable. Vous avez tout pour être heureux, mais quelque part la menace plane et vous sentez comme un poids sur vos épaules, une impossibilité de respirer, l’angoisse qu’il arrive quelque chose de grave.


Parfois, des symptômes très handicapants, graves, apparaissent tout de suite après le choc : perte de mémoire, déréalisation (impression de vivre comme à distance, comme dans un rêve), impression d’être dissocié de son corps, crises de paniques répétées, etc. Mais parfois, on vit simplement avec un état de tension et d’anxiété latente pendant des années, on croit avoir oublié, mis ça derrière soi, on tient bon même si ça tremble parfois à l’intérieur, mais on se dit que la vie continue, et que ce n’était peut-être pas si grave, et qu’on est fort, et qu’on a vu pire.

Toutefois, un beau jour - à la faveur d’un accident, un changement de travail, un burnout, une séparation, un deuil - tout remonte, et les digues de protection se dérobent. On se trouve à la lisière de l’effondrement. Toutes les barrières que notre inconscient avait tant bien que mal mis en place s’affaissent et du jour au lendemain, nous ne nous reconnaissons plus. Certaines personnes peuvent alors connaître une ou des périodes de dépression, être envahies par des pensées obsessionnelles ou angoissantes, être débordées par des crises de colère et de violence, se renfermer, souffrir de troubles alimentaires ou d’addictions sévères. Le ou les traumas antérieurs ou précoces se révèlent et encombrent tout l’espace psychique.


Commence alors un long combat et un chemin malheureusement souvent semé d’embuches : les traitements médicamenteux, les nombreuses tentatives de thérapie, l’incompréhension des proches, la culpabilité et la honte, et l’impression de ne jamais pouvoir s’en sortir, qu’on ne sera plus jamais pareil et qu’il faudra toujours vivre avec ça.


Je vous résume ici les signes les plus fréquents de stress post-traumatiques (bien entendu, un symptôme seul ne permet pas de diagnostiquer un trauma).




Être traumatisé, c’est être dissocié.

 

Par essence, l’effraction du traumatisme dans la conscience crée comme une rupture, une déconnexion d’une partie de soi. La dissociation fonctionne comme une sorte de disjoncteur pour que la maison ne prenne pas feu. Nous savons comme il est courant dans les cas de viol et d’inceste que les victimes expriment ce sentiment d’être comme coupées ou à côté de leur corps pendant l’agression. C’est un réflexe de survie, littéralement. Se couper de l’acte permet d’une certaine manière de sauver ce qu’il reste à sauver.

C’est cette dissociation qui est à l’origine des amnésies partielles ou totales. Des victimes peuvent vivre des années voire des décennies sans aucun souvenir conscient de l’évènement traumatique ou des agressions répétées. Mais ce morceau de soi qu’on a laissé là-bas, dans ce moment de violence, nous continuons je crois, de le percevoir comme un membre fantôme dont on aurait été amputé. On perçoit la douleur de quelque chose que l’on croit avoir perdu. On ressent ce vide abyssal. Un vide ou une douleur sur lequel on ne peut pas véritablement mettre des mots car au moment du traumatisme, notre cerveau n’a plus accès à la zone du langage. Cela devient indicible, littéralement irracontable.

La zone rationnelle du cerveau se coupe pour n’être plus que contrôlée par la zone qui s’occupe de notre survie, d’où les réactions incontrôlables de figement ou de sidération. Les victimes d’agressions physiques ou sexuelles culpabilisent souvent de n’avoir pu réagir ou se défendre, mais en réalité c’était impossible pour elles à ce moment-là : le corps ne peut véritablement plus bouger. Il se bloque de l’intérieur, aucun mouvement n’est possible, comme un animal qui fait le mort.


 Ces blocs d’informations et de mémoires perdues nous reviennent dans les somatisations, les phobies, et dans les cauchemars récurrents. Les rêves qui se répètent sont souvent le signe d’un trauma non résolu. Ils expriment cette mémoire qui tourne en boucle sans trouver de résolution et qui ne s’intègre jamais.

De cette dissociation découle cette sensation que l’on connait bien d’être coupé de son corps, comme s’il était devenu étranger. On peut aussi se sentir très éloigné de ses émotions, comme si on était devenu complètement froid, indifférent, ou comme si on vivait de façon automatique, tel un robot dont on a perdu les commandes.

 

Retraiter le trauma et retrouver la maitrise de sa vie.

 

On ne le répétera jamais assez, la souffrance n’est pas une fatalité.


De nombreux types d’accompagnements existent (Hypnose, EMDR, Brainspotting, psychothérapie, Somatic Experiencing, TCC, etc.), et la recherche sur le psycho-trauma et les traitements a considérablement avancé ces dernières années. L’expérience montre toutefois que si les thérapies classiques par la parole peuvent être utiles en soutien, elles ne sont pas nécessairement très efficaces sur le retraitement des traumas. Pour la simple et bonne raison que le trauma se trouve au-delà ou en deçà de notre conscience, qu’il n’est pas accessible entièrement par le langage, et que nous avons donc besoin de techniques spécifiques pour accéder à ces mémoires bloquées et les transformer. En cela, les méthodes de retraitement de traumatisme par mouvements oculaires ou fixation de points (type EMDR ou Brainspotting) peuvent être particulièrement indiquées. Elles permettent d’accéder à ces zones du cerveau où les mémoires sont figées et de les libérer, permettant la « désensibilisation » progressive au trauma.


Quoi que vous ayez pu subir, vous êtes encore là, debout, et bien plus fort(e) que vous ne le pensez. Je suis persuadée qu’il existe en nous un espace « inviolable », indestructible, que la pire violence ne pourrait atteindre. Quand il nous semble que le reste s’écroule, qu’une grande partie de soi est blessée grièvement, une autre partie tient, persiste, et nous fait mettre un pied devant de l’autre.


Il me semble que la thérapie nous permet de nous reconnecter à cette force intérieure. Même quand on croit l’avoir intégralement perdu. Petit à petit, nous retraitons un bout du ou des traumas, et la lumière à l’intérieur se rallume, s’infiltre dans les failles et éclaire les prochaines ouvertures possibles.


A mesure que des petits bouts de nous se réintègrent, que nous accédons à nos pouvoirs de guérison intérieurs, un sentiment de sécurité ou d’apaisement commence à réapparaître. Le traumatisme s’échappe du présent pour se replacer dans notre passé, véritablement. Il arrête de nous poursuivre, il reprend sa place, à côté d’innombrables autres souvenirs.  Ce qui nous paraissait insurmontable nous semble alors distant, l’agitation intérieure s’essouffle et n’a plus lieu d’être. La résolution est enfin là.



Ne restez pas seuls avec vos difficultés, des solutions existent.




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